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Expérimentation
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Antoine Vasseur

Un sentiment, et même un sentiment rudimentaire, est à l’origine de ce projet et de la recherche qu’il motive. Ce sentiment, qui s’est développé au fil d’un parcours professionnel d’une quinzaine d’années en tant que scénographe, se résume par la formule suivante : produire une scénographie, c’est produire un environnement. J’entends par-là que c’est concevoir au spectacle des hommes un environnement représenté – son « décor » – et, au spectacle lui-même, un environnement à la représentation – son « aménagement ».

Quinze années d’exercice professionnel en tant que scénographe m’ont amené à formuler un sentiment aussi
personnel qu’approximatif à partir duquel je résume ma pratique : produire une scénographie, c’est produire un environnement. Comment comprendre ce sentiment ?

 

Au fil des projets, et spécialement lors de leur émergence – au cours de nos premiers gestes sur scène ou sur une maquette – on voit, dans nos mains et sous nos yeux, des formes se produire : en se cherchant elles se transforment, disparaissent, réapparaissent. On les affirme ou bien on les oublie. On envisage et on fabrique des environnements que les processus de création, indéfiniment, modulent. De modulations en modulations des mondes s’empilent. Il me semble – c’est mon hypothèse – que c’est déjà un spectacle. C’est un spectacle où les choses – qui seront le décor de nos histoires – sont en actions, et où nous, observateurs, sommes en activité. Ces dernières années, les œuvres de la « nouvelle anthropologie » et des sciences naturelles nous confirment enfin qu’il n’y a pas de moindres choses, et que leur histoire ne se distingue pas de la nôtre. Ici, lors de la création d’une scénographie, on est en amont de la comédie humaine, et pourtant, quelque chose a déjà commencé.

 

Travailler en tant que scénographe pour le théâtre, c’est-à-dire quasi exclusivement au service du spectacle des hommes, serait alors se situer précisément sur une ligne de partage entre ce qui est humain et ce qui ne l’est pas. C’est en tout cas du spectacle de cette interférence que je me sens être le témoin. Un spectacle pas du tout spectaculaire où des environnements s’exaucent – c’est-à-dire des agencements souvent imprévisibles entre différentes formes de vie, différents corps et différents phénomènes physiques : la scène d’une expérience née de la rencontre entre l’humain et son au-delà.

 

Ces spectacles apparemment sans drame appartiennent aux fabriques, aux ateliers, aux interservices et aux entr’actes. Au théâtre ils sont rarement montrés. Mon effort consiste donc à intensifier ce processus de formation scénographique en produisant des hypothèses scéniques et à simultanément tenter de l’élucider par le travail plus spéculatif de l’écriture.»

Antoine Vasseur