Marionnettes en Chemins - Plateau libre

Une comédienne s’apprête à entrer en scène. Son téléphone indique un nouveau message.

Un temps. Elle met son nez de clown, se coiffe de cornes de boeuf et entre en scène.

Nous sommes le 7 Décembre 2018. Ce soir-là, je joue une version clownesque du Minotaure.

Ce soir-là, j’apprends que mon père est tombé dans le coma. Il est tombé, pof, dans le coma.

C’est le début du mouvement des Gilets Jaunes.

Plusieurs fois confronté à la mort par le passé, mon père a pris soin de rédiger une décharge autorisant les médecins à le « débrancher » en cas de vie maintenue artificiellement par des machines. Alors, j’ai rejoint ma mère à son chevet, prête à lui dire au revoir.

Mais voilà, les médecins ont refusé de le laisser partir…

A son chevet, dans cet espace-temps qu’est celui du coma, décousu, anachronique, tissé de souvenirs, d’affabulations, de rêves, de cauchemars, recomposant par fragments le portrait de cet homme autoritaire et mal aimant, mon père, je tente de trouver le chemin de la résilience. Emportées par le fleuve de la vie qui se joue de nos affects souvent, nous ballotent dans son mouvement perpétuel et son énergie intarissable, ponctué de nos règlements de compte, de nos déclarations d’amour mutilées, chacune de nous, ma sœur, ma mère et moi, négociant barrages et ronds-points avec les Gilets Jaunes pour être quotidiennement au chevet de mon père, engageons un chemin singulier, fragile, drôle et absurde, dangereux parfois, vers la réparation.

Le pivot du texte est un récit, le mien en adresse directe au public. Il s’étoffe de tableaux faisant entendre plusieurs voix : celles du passé, du présent, celles de ma mère, de ses
fantômes, de ma sœur, de ses prières, et celle de mon clown prisonnier de l’enfance, figure cathartique et archaïque du théâtre ; mais aussi celles des médecins, de la radio, celles de la rue…